Du 5 au 7 décembre 2024 se tient à l’hôtel Montana une exposition hommage dédiée à Mireille Pérodin Jérôme, galeriste, éducatrice et promotrice qui, par son engagement en faveur la culture et son sens de l’altérité, aura marqué la scène artistique d’Haïti pendant plus d’une trentaine d’années, soit de de 1985 (année de l’ouverture des Ateliers Jérôme, Au Champ-de- mars à Port-au-Prince) à sa mort en 2023.
Dans cette collection d’une vingtaine de toiles présentée par la commissaire Marie Alice Théard sous le thème Empreintes, l’harmonie des éléments changeant au gré des contingences favorise l’éclosion et l’épanouissement d’une peinture flamboyante et mouvante. Une peinture abstraite, bien sûr, aussi bien dans son inspiration que dans sa composition nourrie des sources de l’expressionnisme abstrait et de la peinture gestuelle, particulièrement de la technique du dripping consistant, depuis Janet Sobel (1894-1968) et Jackson Pollock (1912-1956), à tremper le pinceau, ou tout autre ustensile, dans le médium pour le projeter ensuite sur le support.
Ce qui est frappant au premier regard, c’est l’impression de simplicité qui se dégage de l’ensemble des œuvres exposées. « Mireille cultivait la simplicité comme valeur » nous a confié Alain Trocher, expliquant le fondement de sa démarche. Beaucoup plus qu’une simple juxtaposition de verticales et d’horizontales, de cercles et de reliefs, de motifs et de couleurs, ce qui semble compter pour l’artiste dans le cadre de cette exposition hommage, c’est la recherche de l’éloquence vraie. Une esthétique de la simplicité et du vrai, sommes-nous tenté de dire, mais surtout une peinture cosmique qui n’hésite pas à laisser les formes et les contours se dissoudre dans le frémissement des touches (des dégradés de bleu), dans les reflets incandescents du blanc (Mimi, Acrylique, 50 x40) ainsi que dans les pâleurs d’un instant volé à l’aube du rose ou au crépuscule d’or. On dirait que le peintre, pour qui l’acte de création relève avant tout de la métaphysique, voulait marquer son empreinte sur le temps.
C’est en effet d’un effort d’équilibre tout en nuances qu’il s’agit. Une quête patiente de justesse où l’harmonie des formes et des couleurs prend toute son importance. La singularité du travail ne réside pas seulement en l’audace du tracé ou au juste espace entre les motifs, sa puissance et sa singularité résident surtout en la correspondance des tons et des couleurs présentés comme des signifiants, c’est-à-dire, utilisés en tant que signes porteurs de sens et générant leurs propres vérités.
Si le bleu, chez un Bernard Séjourné (1947-1994) par exemple, est souvent pathologique ; s’il prend parfois une connotation sociale chez Luckner Lazard (1928-1998) et Dieudonné Cédor (1925-2010) ou encore Valcin II (1947-2010) ; chez Alain Trocher, tel que le montre cette exposition, le bleu est plutôt motif de transcendance. Et associé au blanc (Mimi, Acrylique 50×40), il semble ici traduire l’aspiration du peintre à la Lumière et son rêve d’éternité pour Mireille P. Jérôme.
Voltaire JEAN